Les effets collatéraux et imprévisibles des entrées de périmètre de consolidation « par étapes » selon IFRS3

Qui comprend le recyclage en résultat des réserves de conversion et de réévaluation des instruments financiers (OCI), pour la quote-part des titres déjà détenus au moment de la prise de contrôle ? Faites le test dans un dîner mondain, ou même auprès d’interlocuteurs quelque peu avertis en IFRS… il est probable que vous n’obtiendrez aucune réponse. Ou lisez ce nouvel Episode 6 de notre Série du « Grand Pôle Financier Public 2020».

Le recyclage de l’OCI, un profit de 0,6 milliards d’euros pour le Groupe La Poste en 2020

Et pourtant, c’est bien ce qui arrive dans le cas de l’entrée de périmètre de CNP Assurances dans le Groupe La Poste en 2020.

Pour la compréhension de l’entrée de périmètre, voir l’épisode 4 . CNP Assurances est mis en équivalence à hauteur de 20% avant de passer en intégration globale à 62%.

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Le recyclage des autres éléments du résultat global (OCI « Other Comprehensive Income ») de CNP Assurances génère 0,6 milliard d’euros de profit dans le compte de résultat, dont le détail est le suivant :

• Quote-part de réserves latentes positives sur instruments de couvertures (Cash-flow Hedge selon IFRS 9) pour 743 millions d’euros,
• Quote-part de réserves de conversion négatives (écarts de conversion de consolidation d’entités à l’étranger) pour 149 millions d’euros,

Le détail est fourni dans le DEU 2020, en explication dans la note 1.1 des faits marquants de la période, dans la Variation des capitaux propres (p.280 ci-dessous), dans l’Etat du résultat global (p.277).

Il faut louer ici la clarté des documents.

Classement dans le compte de résultat du Groupe La Poste

Dans le compte de résultat, le recyclage des OCI ne s’enregistre pas au même niveau que l’incidence de l’entrée de périmètre, alors que c’est le même fait générateur qui l’occasionne.

• L’incidence de la prise de contrôle de CNP Assurances est affichée sur une ligne spécifique dans le « résultat d’exploitation », pour 3 milliards d’euros (DEU p.276).
• Le recyclage des OCI s’enregistre en bas du compte de résultat, en tant que « quote-part de résultat des entreprises associées mises en équivalence » pour 0,6 milliard d’euros, car il concerne les titres CNP Assurances mis en équivalence au moment de la prise de contrôle.

Explication rapide des traitements IFRS

Relisez notre épisode 4. Le traitement retenu s’explique par la logique très conceptuelle de IFRS 3 « Regroupement d’entreprises » pour les acquisitions par étapes.

Dans le passage de mise en équivalence à intégration globale des titres CNP Assurances, le groupe La Poste en tant que « groupe entité économique », doit refléter trois opérations dans ses comptes :

• Il se sépare conceptuellement des titres CNP Assurances mis en équivalence (20,15%), alors qu’en réalité il les conserve,
• Il rémunère le vendeur pour l’acquisition du contrôle (augmentation de capital),
• Il reçoit en contrepartie l’ensemble d’actifs et de passifs intégrés globalement de CNP Assurances désormais contrôlés (intégration globale à 62,13%).

La fin de la mise en équivalence oblige, comme dans toute déconsolidation, à recycler en résultat la quote-part de réserves accumulée dans les capitaux propres de l’entité mise en équivalence provenant des OCI « Other Comprehensive Income » qualifiés de « recyclables » au moment de leur comptabilisation (IAS 1).

Dans le cas présent, les éléments de résultat global « recyclable » accumulés chez CNP Assurances sont des réserves de réévaluation d’instruments financiers comptabilisées directement en réserves, et des écarts de conversion accumulés sur entités à l’étranger .

Pourquoi recycler, ou autrement dit, « reclasser de réserves à résultat » ce qui avait été directement comptabilisé en réserves ?

Parce qu’au moment de la déconsolidation, ce qui était « latent » dans les capitaux propres (un écart de conversion positif du fait d’une réévaluation de la monnaie par exemple), devient une réalité tangible dans le compte de résultat (la différence de conversion est retenue dans le calcul de la plus ou moins-value de cession qui passe en résultat).

Ce qui se comprend pour une véritable cession, est moins facile à appréhender (sic !) lorsque les titres ne sont en réalité pas cédés, mais conservés et faisant l’objet seulement d’un changement de méthode de consolidation. C’est la spécificité IFRS 3 du traitement des acquisitions par étapes.

Conclusion

On aura compris finalement le malaise de votre interlocuteur dans votre dîner mondain, lorsque vous avez tenté de lui expliquer que dans le groupe La Poste, les normes IFRS ont conduit à :

• comptabiliser un profit de badwill de 3 milliards d’euros pour une entrée de périmètre de CNP Assurances,
• comptabiliser un profit de 0,6 milliards d’euros de recyclage d’OCI, du fait de la déconsolidation de la part des titres antérieurement détenue et mise en équivalence, mais finalement conservée,
• séparer ces deux niveaux de profit dans le compte de résultat, pour un même fait générateur, le profit de badwill faisant en outre partie du résultat d’exploitation.

Je vous laisse finir la soirée…

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A venir

Prochain épisode : le traitement de l’entrée de périmètre du “Grand Pôle Financier Public” au sein de la Caisse des Dépôts en 2020. Le décryptage des acquisitions par étapes se poursuit…

A lire les précédents épisodes

Episode 1 : Série Grand Pôle Financier Public 2020, ou le traitement IFRS d’une acquisition par étapes (à surprise)

Episode 2 : Entrée de CNP Assurances dans La Poste en 2020 : un badwill à 4,6 milliards d’euros enregistré directement en profit

Episode 3 : Derrière le badwill, se cache-t-il toujours un gagnant et un perdant

Episode 4 : Badwill, juste valeur et théorie des vases communicants, la comptabilité magique selon IFRS 3

Episode 5 : CNP Assurances, un investissement de 5,9 milliards d’euros…invisible dans le tableau des flux de trésorerie de La Poste