Systèmes EPM Finance de consolidation … lors des changements, il faut se projeter loin !

De nombreux groupes  s’interrogent sur le renouvellement de leurs « suites EPM » en matière de consolidation financière. Ces outils qualifiés de « Enterprise Performance Management » sont vitaux car ils touchent au pilotage de la performance des groupes, avec a minima des modules de comptabilité, de reporting de gestion, d’élaboration budgétaire et de disclosure management pour la publication des comptes consolidés.

Pour les dirigeants , les EPM contribuent à traduire en objectifs financiers les stratégies. Pour les contrôleurs de gestion, ils servent à modéliser et produire les budgets et à suivre les réalisations. Pour les comptables et les consolideurs, ils donnent une vision consolidée homogène de la performance du groupe à chaque arrêté comptable. Ils représentent ainsi « l’ossature finance » des groupes . Les directions financières ont en général mis des années à les mettre en place, avec des adaptations régulières au fil des ans. Ils les ont souvent jugé performants, mais ont aussi critiqué leurs coûts, leur lourdeur et leur relatif immobilisme (« manque d’agilité »).

Il serait étonnant que les changements d’EPM constituent actuellement une préoccupation prioritaire d’un pur point de vue de dirigeant, étant donné l’urgence des autres thèmes d’actualité. Mais lorsque le thème de leur maintenance est soulevé par les éditeurs eux-mêmes (par exemple, avec l’épisode récent de la fin de maintenance de SAP FC programmée fin 2027, puis repoussée à 2030), la tentation de questionner la performance des EPM existants revient sur le devant de la scène. C’est ce qui se passe actuellement dans de nombreux (grands) groupes.

Force est de constater que les EPM mêmes performants commencent à dater. Ils ont souvent été constitués par empilement de briques successives, améliorés à la marge en terme d’interfaces, de rapidité de production de l’information, de connexion à des modules de BI (« business intelligence »), de restitutions multi-dimensionnelles et visuelles, de cybersécurité etc. Mais au cours de ces deux dernières décennies, aucune solution véritablement disruptive ne s’est présentée sur le marché. Les solutions en « Cloud » ont provoqué un basculement technologique important, mais sans révolutionner les processus.

Réfléchir à un changement d’EPM aujourd’hui peut donc être opportun. Mais dans ce cas il faut voir loin, à la fois en termes de besoins, de processus et d’évolutions technologiques.

Processus et contenu des ERP

Il faut tout d’abord revoir les processus. En effet, les EPM proviennent souvent d’une pensée très centralisatrice et descendante, au profit des services consolidation et des fonctions centrales. La conséquence ?

  • Les remontées sont multiples (réel mensuel, budgets 1 2 3…, « rolling forecasts » mensuels, atterrissages 1 et 2 … etc.) et coûtent cher.
  • Elles embarquent un nombre toujours croissant d’indicateurs de gestion, afin de répondre au plus grand nombre de demandes centrales possibles … au final, peu exploités !
  • Cette volumétrie « épuise » les personnes impliquées dans le reporting. Le « data crunching » l’emporte sur l’analyse ; et paradoxalement, les opérationnels et les dirigeants ne sont pas satisfaits (manque d’agilité, temps d’adaptation trop long, manque de données en temps réel…).

Tout n’est pas noir bien entendu , mais dans ce contexte et dans le cadre d’un renouvellement, il paraît évident de devoir redimensionner les EPM et leurs finalités auprès de l’ensemble des utilisateurs. Cela évitera de reproduire mécaniquement les coûts et les lourdeurs passés.

NB : par ailleurs, le contenu du reporting pourrait s’élargir considérablement, avec les nouveaux besoins en matière extra-financière (publications RSE obligatoires CSRD, taxonomie verte etc.), ou fiscale (Tax Reporting complet, GloBe et Pilier 2 inclus).

Datawarehouse

Il faut ensuite tenir compte des (vraies) évolutions technologiques.  Concernant les systèmes d’information et l’IT, il paraît indispensable d’évaluer le coût et la pertinence des solutions axées sur la donnée :

  • « datawarehouse » pour le stockage d’une data structurée et propre,
  • « datalake » pour des données moins homogènes,

fournissant une information alimentée quasiment en temps réel. La technologie existe déjà, et constitue une nouvelle génération d’outils de pilotage avec de la BI associée. S’agit-il d’un simple complément aux EPM ? ou d’une substitution aux EPM (en partie ?). Il faut se questionner.

Intelligence artificielle IA

Enfin, de manière plus prospective, il semble impossible d’ignorer le potentiel de la nouvelle intelligence artificielle (« IA générative »), intelligence qui n’a d’artificielle que le nom lorsqu’elle s’applique à la data propre à l’entreprise. Brancher de l’IA conversationnelle sur des bases de données sécurisées, complétée de données externes historiques ou prospectives, stockées en mode datawarehouse sécurisé, pourrait constituer une quasi-révolution pour les utilisateurs. L’IA devrait permettre une approche « conversationnelle » pour obtenir des analyses ad hoc, non systématisées dans les EPM.

Cela est en gestation, et presque abouti, dans le monde de la finance de marchés, de la comptabilité ou du droit. Quelques investissements supplémentaires par les éditeurs d’ERP et d’EPM en consolidation (ou de nouveaux « disrupteurs »?), et l’IA sera à la portée de tous. L’intérêt des « autoroutes de l’information » que représentent les EPM traditionnels pourraient s’en trouver fortement remis en question.

Voici quelques exemples simples d’utilisation de l’IA :

« Je suis contrôleur de gestion expert ; IA, peux-tu me reporter sur les 6 derniers mois notre EBIT contributif après éliminations intragroupes par métier et BU régionales et par canaux de distribution  ? Comparer notre profitabilité par rapport à nos concurrents ? Me dire les tendances de marché sur les 6 prochains mois ? … »

« Je suis trésorier expert ; IA, peux-tu me calculer le résultat financier théorique des 6 derniers mois et la projection des 6 prochains mois en fonction de l’évolution des taux et de notre endettement net ? Me tirer les écarts par rapport à nos charges financières, avant et après prise en compte des retraitements de couverture IFRS 9 ? »

Sur ces deux exemples, le temps de réponse est de quelques minutes
et quelques heures gagnées au contrôle de gestion ou à la trésorerie pour analyser la réponse et proposer des actions en tant que « business partner »…