Faillite de SVB : le ver était dans le fruit dans les comptes dès le 31 12 22

La perte en milliards de dollars subie en mars 2023 par la banque américaine Silicon Valley Bank (SVB), conduisant à sa faillite, était déjà inscrite dans ses comptes certifiés au 31 12 22. Mais dans le Compte de Résultat Global (OCI)...

La perte en milliards de dollars subie en mars 2023 par la banque américaine Silicon Valley Bank (SVB), conduisant à sa faillite, était déjà inscrite dans ses comptes certifiés au 31 12 22. En effet le Rapport financier annuel publié par la banque en janvier affichait un bénéfice net de 1,6 milliards de USD, mais un résultat global négatif de (1,9) milliards de USD, avec une perte sur portefeuille titres de (2,5) milliards de USD.

Au 31 12 22, il s’agissait d’une perte latente sur titres « AFS – available for sale » constitués d’obligations publiques américaines, principal véhicule de placement de la banque. En raison de la hausse des taux et de la baisse de valeur mécanique des obligations, le portefeuille a dû être déprécié. L’absence d’instruments de couverture à la baisse ne pouvait pas permettre de limiter cette perte, qui a été finalement enregistrée à hauteur de 2,5 milliards de USD (avant impôt différé).

Deux mois plus tard, la perte latente devenait bien réelle, avec la vente en panique du portefeuille d’obligations, « bank run » provoqué par les demandes de retrait massives de leurs dépôts par les clients de la banque. En 18 heures, la banque s’est effondrée et elle est aujourd’hui en faillite (« Chapter 11 » américain).

Traitement comptable de la perte latente au 31 12 22

Pourquoi la perte latente au 31 12 22 n’a-t-elle pas alerté les marchés, les auditeurs et les régulateurs ? Ce n’est pas ici l’objet de cet article. Mais force est de constater que le traitement comptable est peut-être un petit bout de la réponse.

En effet, la perte latente sur ce type d’instruments financiers en raison de la remontée des taux ne passe pas par le compte de résultat classique et n’impacte pas le bénéfice net. Il s’agit d’une dépréciation directement enregistrée en capitaux propres, qu’on affiche dans un résultat dit « Global » (Other Comprehensive Income – OCI en anglais), différent du résultat net . C’est vrai en US GAAP comme en IFRS.

Ce Résultat Global est peu connu, peu apprécié des analystes, et nous-mêmes avions publié un article sur ce sujet intitulé « Et si le résultat global (OCI) ne servait vraiment à rien ? ». Il faisait référence à une enquête publiée par PwC qui constatait que 57 % des analystes européens interrogés dans un panel européen considéraient que la définition du Résultat global et de l’OCI dans les comptes des entreprises n’était pas claire (perception négative à 70% au UK, contre 50 % en France).

Mais le Résultat Global a un mérite : même s’il paraît technique et peu clair, il permet de soulever des questions intéressantes. Dans le cas de SVB et pour des montants aussi significatifs, n’aurait-il pas dû alerter sur les risques bien avant le « bank run » ?

Lire notre guide Consocopedia

Tout savoir sur le Résultat Global ? Lire le chapitre de notre guide Consocopedia qui vient d’être publié : L’énigmatique résultat global