Huit traitements IFRS “étonnants”, illustrés par la constitution du «Grand pôle financier public” en 2020

Voici 8 contre-intuitions et singularités de traitements comptables IFRS en consolidation. Nous clôturons ainsi notre Série du « Grand pôle financier public 2020 », avec une note d’étonnement final sur les traitements comptables complexes IFRS dans les comptes consolidés de la CDC, de La Poste et de La Banque Postale, et notamment l’entrée de périmètre de CNP Assurances.

Puisse cet épisode 9 vous amener à méditer en plein été , et peut-être à la plage (?!), sur les surprises que peuvent réserver les traitements IFRS en consolidation . Si vous aviez quelques bonnes intuitions comptables, attention, il se pourrait qu’elles ne soient pas validées.

L’image fidèle impose une explication économique d’un événement qui constitue une part extrêmement significative du résultat

C’est une évidence pour un événement comme l’entrée de périmètre de CNP assurances qui sauve littéralement le résultat net du Groupe La Poste et de la Caisse des Dépôts en 2020. Et pourtant, même si la traduction comptable est bien expliquée de manière technique en annexe des rapports financiers de CDC, de La Poste et de La Banque Postale, (description de l’opération et du badwill enregistré en profit selon IFRS 3), aucun ne fournit véritablement de justification économique.

Mais pourquoi un badwill ? Relisez notre Episode 3 :

Derrière le badwill, se cache-t-il toujours un gagnant … et un perdant?

NB. Les IFRS ne sont pas ici « en cause »  : IFRS 3 (§B64) stipule en effet que l’acquéreur doit fournir « les raisons pour lesquelles la transaction a abouti à un profit » en cas de badwill. C’est l’application qui est ici perfectible, avec un défaut d’analyse qualitative et économique des conditions de l’opération, qu’aurait apprécié le lecteur des états financiers.

Une acquisition de titres, étant une opération d’investissement, ne devrait pas impacter immédiatement le compte de résultat

Un investissement s’inscrit par définition dans la durée. Une entrée de périmètre dégageant un écart d’acquisition positif ne fait pas exception en IFRS : le goodwill est obligatoirement classé à l’actif du bilan, éventuellement déprécié par la suite.

Mais la contre-intuition IFRS vient du passage comptable obligatoire en résultat des entrées de périmètre dégageant un badwill. C’est exactement ce qui se passe dans notre cas du « Grand Pôle Financier 2020 ».

Selon IFRS 3, le badwill reflétant par définition une « acquisition réalisée à des conditions avantageuses », doit être immédiatement enregistré en profit. CQFD.

Pour en savoir plus, revenez à l’Episode 2 :

Entrée de CNP Assurances dans La Poste en 2020 : un badwill à 4,6 milliards d’euros enregistré directement en profit

L’opération capitalistique de « regroupement d’entreprises » devrait nécessairement figurer dans les « opérations d’investissement » du tableau des flux de trésorerie

Le néophyte pourrait rechercher dans le Tableau des flux de trésorerie (TFT) du Groupe La Poste ou CDC les principales composantes d’une entrée de périmètre majeure comme celle de la constitution du « Grand Pôle Financier 2020 ». Inutile !

Cette opération d’entrée de périmètre de consolidation n’a eu quasiment pas d’incidences monétaires, hormis le décaissement d’environ un milliard d’euros par la CDC au profit de l’Etat. Or ce n’est pas une originalité de IAS 7, et les normes françaises seraient identiques : seuls les flux monétaires sont reflétés dans le TFT.

N’allez donc pas dans le TFT rechercher le badwill très significatif sur CNP Assurances et les différentes augmentations de capital qui ont rémunéré les apports… Relisez notre Episode 5 :

CNP Assurances, un investissement de 5,9 milliards d’euros…invisible dans le tableau des flux de trésorerie de La Poste

Une entrée de périmètre avec badwill, reflétant une « acquisition réalisée à des conditions avantageuses » pour l’acheteur, devrait être une mauvaise affaire pour le vendeur

Une « bonne affaire » pour CDC et le Groupe La Poste avec la constitution du « Grand Pôle Financier » devrait être une « mauvaise affaire » pour l’Etat qui a cédé ses participations dans La Poste et dans CNP Assurances. Et pourtant, ce n’est pas si simple, comme nous l’avons montré dans l’Episode 3.

Derrière le badwill, se cache-t-il toujours un gagnant … et un perdant?

Les conditions de marché à l’époque étaient caractérisées par une forte décote en bourse des valeurs de banques et assurances.

Une plus ou moins-value de cession de titres ne devrait être enregistrée que si les titres sont cédés

Intuitivement, il ne peut y avoir de plus ou moins-value en résultat que si une cession intervient. Or dans l’opération du « Grand Pôle Financier », des pertes de cession sont dégagées sur la quote-part des titres de La poste et de CNP Assurances antérieurement détenue (mis en équivalence), alors même que ces titres ne sont pas cédés.

C’est le traitement contre-intuitif (et magique !) des acquisitions par étapes selon les normes IFRS, où la part des titres antérieurement détenue et désormais consolidée par intégration globale, est considérée comme « déconsolidée » dans un premier temps, réévaluée en juste valeur et enregistrée en résultat.

Replongez-vous dans l’Episode 4 :

Badwill, juste valeur et théorie des vases communicants, la comptabilité magique selon IFRS 3

De la même manière, le recyclage des réserves OCI ne devrait être enregistré en résultat que si les titres qui les portent sont cédés

Le recyclage des réserves OCI (OCI – Other Comprehensive Income) (réserves de conversion et réévaluation d’instruments financiers dans le cas présent) de titres consolidés est obligatoire lorsque ces titres sont cédés.

Pour le cas du « Grand Pôle Financier 2020 », et cela fait suite au traitement évoqué précédemment, alors même qu’elles appartiennent toujours au groupe, les réserves OCI de CNP Assurances et Groupe La Poste sont rapportées en résultat pour la quote-part de titres antérieurement détenue et mise en équivalence. Ce recyclage est par ailleurs comptabilisé directement dans le résultat des entités mises en équivalence.

A relire en détail dans Episode 6 :

Les effets collatéraux et imprévisibles des entrées de périmètre de consolidation « par étapes » selon IFRS3

Un profit en résultat accroît nécessairement les capitaux propres de l’entreprise

Oui, un profit en résultat accroît nécessairement les capitaux propres de l’entreprise… sauf dans le cas précis du « recyclage des réserves » au sens de IAS 1  (voir ci-dessus).

Le recyclage des réserves est une écriture conceptuelle IFRS consistant à virer les réserves en résultat. Débit et crédit figurent en capitaux propres … le cumul est nul arithmétiquement.

Le recyclage est donc bien un résultat sans incidence sur le total des capitaux propres.

Les frais d’acquisition liés à l’entrée de périmètre, faisant partie du coût de l’investissement, ne devrait pas impacter le compte de résultat

Les frais d’acquisition directs à une opération d’investissement pourraient faire partie du « coût complet » des titres acquis lors d’un regroupement d’entreprises. C’est ce qui se pratique en comptabilité pour les comptes individuels.

Mais en consolidation, et selon IFRS 3, c’est la juste valeur des titres acquis qui prévaut … et cette dernière exclut par définition des coûts qui sont à la charge de l’acquéreur, et qui devront le rester en compte de résultat.

Ce point n’est visiblement pas significatif dans le cas de constitution du « Grand Pôle Financier 2020 », car les rapports financiers n’évoquent pas le sujet (sauf erreur de notre part).

Fin de la Série, merci de votre lecture assidue !

C’est donc ici que se termine notre série « Le Grand Pôle Financier 2020 », avec cette petite « synthèse d’étonnement » pour financiers non avertis en consolidation.

Il nous reste à vous souhaiter un très bel été, loin des IFRS !

et surtout, n’oubliez pas nos formations « tous expert(e)s en consolidation » à la rentrée !

Tous les Episodes de notre série “Le grand Pôle Financier 2020” :

Episode 1 : Série Grand Pôle Financier Public 2020, ou le traitement IFRS d’une acquisition par étapes (à surprise)

Episode 2 : Entrée de CNP Assurances dans La Poste en 2020 : un badwill à 4,6 milliards d’euros enregistré directement en profit

Episode 3 : Derrière le badwill, se cache-t-il toujours un gagnant et un perdant

Episode 4 : Badwill, juste valeur et théorie des vases communicants, la comptabilité magique selon IFRS 3

Episode 5 : CNP Assurances, un investissement de 5,9 milliards d’euros…invisible dans le tableau des flux de trésorerie de La Poste

Episode 6 : Les effets collatéraux et imprévisibles des entrées de périmètre de consolidation « par étapes » selon IFRS3

Episode 7 : Consolidation du « Grand Pôle Financier Public 2020 », la tension monte d’un cran chez CDC

Episode 8 : Une même variation de périmètre peut-elle générer un badwill et un goodwill ?

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