Comment l’acquisition inversée Stellantis oblige à comptabiliser les marques de l’ex groupe Fiat Chrysler 

Stellantis Episode II. Les marques de l’ex-groupe Fiat Chrysler (FCA) pèsent désormais lourd à l’actif du bilan de Stellantis : 12,8 milliards d’euros. Nous revenons ici sur le processus de regroupement de PSA (Peugeot Citroën) et FCA (Fiat Chrysler) et le traitement en “acquisition inversée” qui ont abouti à cette comptabilisation.

Comme expliqué dans notre précédent billet (1) , le regroupement d’entreprise à l’origine du nouveau groupe Stellantis s’est opéré via une fusion en janvier 2021. D’un point de vue juridique, FCA étant l’entité absorbante et PSA l’entité absorbée, c’est FCA qui a pris le contrôle.

Mais d’un point de vue comptable, l’acquisition a été analysée différemment. C’est PSA qui a été considéré comme acquéreur, et non FCA. Il s’agit d’une « acquisition inversée » selon les termes de la norme IFRS3 « Regroupement d’entreprise », ayant pour conséquence de valoriser les actifs incorporels de FCA dans le bilan de l’acquéreur PSA. Explications …

Traitement comptable des acquisitions selon IFRS3 « Regroupement d’entreprise »

Lors d’une variation de périmètre avec prise contrôle, l’acquéreur fait entrer dans son bilan les actifs et passifs de la société acquise en valeur de marché (« fair value »).

Le processus d’évaluation obligatoire (« purchase accounting ») permet d’identifier et d’évaluer chacun des actifs acquis d’une part, et des passifs repris d’autre part, entrant dans le périmètre de consolidation. Les anciens goodwills sont écrasés, la méthode de l’acquisition exigeant de reconstituer un nouvel écart d’acquisition à la date de prise de contrôle.

Dans un regroupement lié au secteur automobile, le processus d’acquisition oblige évidemment à valoriser des actifs incorporels clés comme les marques, la technologie et les frais de R&D capitalisés.

Goodwill et incorporels en provenance de FCA

Dans le cas de l’acquisition inversée à l’origine de Stellantis, c’est PSA qui est l’acquéreur. Le regroupement d’entreprises a ainsi généré un goodwill de 11,5 milliards d’euros au titre de l’entrée de périmètre de FCA :

  • valeur de l’échange de titres PSA : 19,8 milliards d’euros
  • moins, actif net réévalué de FCA : 8,3 milliards d’euros

L’actif net réévalué de FCA , évalué en juste valeur à sa date d’entrée de périmètre, figure p. 255 du rapport financier / 20F  :

Les anciens écarts d’acquisition chez FCA n’ont pas été repris dans cet actif net de 8,3 milliards d’euros (goodwills historiques issus du rapprochement de Fiat et Chrysler).

Mais dans le processus de « purchase accounting », de nouveaux actifs incorporels majeurs ont été identifiés et valorisés à l’actif du bilan de Stellantis  :

  • Marques : 12,8 milliards d’euros
  • Frais de développement capitalisés : 6,3 milliards d’euros
  • Autres : 1,9 milliards d’euros

Les marques incluses dans le montant de 12,8 milliards d’euros sont celles portées par l’ex-FCA :

  • Marques italiennes : Fiat ; Lancia ; Abarth ; Alfa romeo ; Maserati, Mopar…
  • Marques US : Chrysler ; Jeep ; Dodge ; Ram …

NB : aucune valeur individuelle des marques n’est publiée dans le rapport financier / 20F.

Méthode d’évaluation de ces marques

Les marques ont été évaluées selon la méthode des royalties. Je cite le rapport financier / 20F (p.255) :

« The fair value of brands (…) was determined through an income approach based on the relief from royalty method, which requires an estimate of future expected cash flows »

La « méthode des royalties » consiste à actualiser les redevances de marque touchées, ou qui pourraient être touchées, du fait de l’exploitation de ces marques par des tiers licenciés. Les redevances sont souvent un % du chiffre d’affaires projeté de ces marques.

Pour le goodwill, le calcul est réalisé par différence entre la contrepartie transférée aux actionnaires de FCA (nombre théorique d’actions PSA x cours de l’action PSA au jour du regroupement) et l’actif net réévalué de FCA.

Et si l’acquisition n’avait pas été « inversée » ?

Nous aurions été dans une situation bien différente, avec un processus d’acquisition de FCA sur PSA.

Le goodwill aurait été calculé par différence entre la contrepartie transférée aux actionnaires de PSA (nombre d’actions FCA x cours de l’action FCA au jour du regroupement) et l’actif net réévalué de PSA.

Suite à un processus de purchase accounting de FCA sur PSA, on aurait ainsi vu entrer dans le périmètre de consolidation en juste valeur les marques de l’ancien groupe PSA, soit :

  • Peugeot
  • Citroën
  • DS automobiles
  • Opel
  • Vauxhall…

Pour quels montants ? Quel aurait été le goodwill résiduel ? Le bilan de Stellantis aurait-il été moins (ou plus) soumis aux aléas de pertes de valeurs sur ses marques ?

Autant de bonnes questions … auxquelles il est impossible de répondre avec un simple regard externe. Un processus complet de “Purchase accounting IFRS 3” ne s’invente pas…

Mais nous aborderons dans un prochain article de blog le risque auquel sont désormais exposés ces nouveaux actifs incorporels majeurs dans le bilan de Stellantis, et notamment celui de la transition énergétique et climatique.

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(1) Lire aussi notre précédent billet :

Acquisition inversée lors du regroupement PSA/ FCA : le cas d’école Stellantis en 2021

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