Vade-mecum du reporting EXTRA financier, dans la jungle des acronymes…

On croyait tout savoir du « Reporting », notamment dans le monde de la consolidation financière, et voilà que se profile à grands pas le « Reporting extra-financier » avec ses nouveaux acronymes. De quoi s’agit-il ? Voici un petit vade-mecum… à l’usage des directeurs financiers et des consolideurs qui pressentent qu’ils seront prochainement sollicités pour la production de ce nouveau reporting.

Les objectifs du reporting extra-financier

Les entreprises, en consommant des ressources naturelles et humaines pour produire et distribuer leurs biens et services, impactent leur environnement et provoquent ce qu’on appelle des « externalités négatives » (par exemple des émissions de carbone), mais aussi « externalités positives » (par exemple un développement économique partagé).  Sur le chemin d’un capitalisme responsable, elles sont amenées à rendre compte de leur performance non seulement financière, mais aussi « extra financière ». Cela s’effectue grâce au reporting extra-financier.

Ainsi, au-delà des performances financières jugées au travers des résultats et des bilans comptables, le reporting extra financier cherche à rendre compte de la performance des entreprises en matière ESG (environnementale, sociale et gouvernance) ou RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises).

Voir notre billet sur la définition de la Responsabilité Sociale des Entreprises : Parlez-vous couramment RSE, développement durable et indicateurs extra-financiers ?

Le reporting extra-financier pour les entreprises est d’abord la réponse à de nouvelles obligations résultant d’une poussée réglementaire en pleine accélération. Celle-ci concerne :

  • les sociétés cotées
  • les entreprises privées (d’une certaine taille)
  • ainsi que les organisations dépendant de l’Etat et des collectivités.

Cette matière réglementaire provient souvent de l’Europe et de son Green Deal, avec notamment la transposition de la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive) en 2018, devenue CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive) en avril 2021. Mais la mouvance est mondiale.

Plus positivement, le reporting extra financier est l’occasion pour les entreprises de donner du sens à leur action. Il répond aux attentes pressantes des politiques et de la société civile, mais aussi des parties prenantes de l’entreprise (salariés, clients, partenaires, etc.). En dépassant le « green-washing », il permet de quantifier les objectifs RSE et de montrer les progrès réalisés, comme peut le faire un budget en matière comptable.

 

Les indicateurs du reporting extra financier

Comme en comptabilité et en finance, en RSE on cherche à définir des indicateurs de performance (KPI ou Key Performance Indicators). Ces indicateurs couvrent naturellement tous les compartiments de la RSE :

  • Dimension environnementale (émissions de gaz à effet de serre, stratégie mise en place pour la transition énergétique, gestion des déchets, écoconception, biodiversité…)
  • Dimension sociale (emploi, parité, santé, sécurité au travail, développement des compétences, respect des droits humains …)
  • Dimension éthique et de gouvernance (« raison d’être » des entreprises, objectifs RSE dans la rémunération des dirigeants, fraude, corruption, évasion fiscale …)

De ce fait, les indicateurs RSE intéressent toutes les directions de l’entreprise : directions RSE bien sûr, mais aussi stratégie, marketing, production, risques, conformité, RH, communication, relations publiques, business development etc.

Ils se distinguent des indicateurs financiers de plusieurs manières :

  • ils couvrent un périmètre plus large que celui du périmètre finance, interne à l’entreprise ; en effet ils concernent aussi la chaîne d’approvisionnement externe (sous-traitants, fournisseurs de rang 1, voire au-delà…) et l’impact des produits et services consommés par les clients
  • ils sont plus complexes par nature, et souvent encore à l’état d’expérimentation, avec des avancées notables dans certains domaines comme celui du carbone, avec des méthodologies reconnues (Bilan Carbone, GHG Protocol..)
  • ils ne sont pas normés, au sens des GAAP (Generally Acceptable Accounting Principles). A noter toutefois que le train de la normalisation est en marche en Europe (voir infra)
  • ils ne sont pas homogènes d’une entreprise à l’autre. Différents référentiels tentent de les définir par type d’activités, mais ces référentiels ne sont pas harmonisés entre eux (corolaire de l’absence de normalisation coordonnée)

Point commun avec le reporting financier, les publications obligatoires du reporting extra-financier sont revues par des « Organismes Tiers Indépendants » (OIT), comme les données comptables sont auditées par les commissaires aux comptes. Mais là aussi, les normes d’audit RSE restent à définir.

 

Le reporting extra-financier, outil de communication externe

Le reporting extra-financier permet de répondre aux obligations légales, on l’a vu plus haut. Dans ce cadre, il produit un certain nombre de « livrables », comme la DPEF, le Rapport intégré, le Bilan carbone, le Bilan social etc.

La DPEF ou Déclaration de Performance Extra Financière

Le plus en pointe de ces rapports est la Déclaration de Performance Extra Financière (DPEF). Celle-ci est obligatoire depuis 2019, et fait suite à l’ancien Rapport RSE issu de la loi Grenelle II. En application du Code de Commerce, la DPEF doit être incluse dans le Rapport de gestion des entreprises qui dépassent certains seuils (plus de 500 employés et plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaire net annuel).

Pour les sociétés cotées en bourse, le rapport de gestion étant lui-même intégré au Rapport Financier Annuel (RFA) et au Document d’Enregistrement Universel (DEU) (ancien document de référence – DDR), c’est dans ces derniers qu’on retrouve le contenu réglementaire de la DPEF. Notamment, le modèle d’affaires de l’entreprise (business model), les principaux risques RSE en lien avec le modèle d’affaires (matrice de « matérialité »), les politiques menées et les résultats obtenus en matière de RSE.

Le Rapport intégré

La DPEF reprend en partie les dispositions du Rapport Intégré, autre rapport qui fait référence en matière de RSE, mais qui de fait est supplanté par la DPEF en France. Le Rapport intégré n’est pas obligatoire. Il se base sur les recommandations de l’International Integrated Reporting Council (IIRC), association internationale créée en 2010 qui rassemble entreprises pilotes, investisseurs, promoteurs de normes de reporting et grandes firmes d’audit. L’IIRC propose un cadre de rédaction. A chaque entreprise de l’adapter.

Les évolutions réglementaires du reporting extra-financier

La caractéristique du reporting extra financier est qu’il est très « jeune » par rapport au reporting financier. Pour les entreprises, les publications d’informations chiffrées et mesurables dans les domaines de la RSE sont récentes, un peu comme l’étaient la comptabilité au début du siècle avec l’essor des marchés financiers, ou la consolidation financière avec la 7ième directive Européenne dans les années 1980.

En matière RSE, la base réglementaire étant par définition en mouvance permanente, et les modèles d’affaires des entreprises en plein questionnement, la tâche n’est pas aisée pour les acteurs du reporting extra-financier (mais passionnante ?).

Concrètement à date, quelles sont les évolutions importantes à anticiper pour les entreprises ?

Les obligations du reporting externe vont évoluer au rythme de l’Europe. La DPEF va être revue à l’aune de la révision du texte européen dont il est issu, la NFRD (Non Financial Reporting Directive). Les changements doivent être dévoilés en mars 2021.

Cette nouvelle version du reporting extra financier inclura probablement des exigences en matière de reporting climat, plus précise que ce que la DPEF exige actuellement, avec un alignement probable sur le référentiel TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosure). Pour mémoire, la TCFD a été créée par le G20 lors de la COP 21 et émet des recommandations très suivies au plan international.

Egalement, le reporting extra financier des entreprises devra bientôt inclure les indicateurs prévus par la réglementation européenne, en cours d’élaboration, sur la Taxonomie (EU Taxonomy). Cette dernière vise à encadrer le marché de la Finance « durable » ou « verte » en Europe, et à orienter les produits financiers vers une sélection d’activités économiques identifiées comme respectueuses de l’environnement.

Voir notre billet : Parlez-vous couramment Finance verte, sans faire de « greenwashing » ?

Ainsi, le pourcentage « d’alignement » avec la Taxonomie Européenne de 3 indicateurs financiers clés devra être publié probablement dès 2022 :

  • le Turnover (Ventes ou Revenus)
  • les Capex (Investissements ou Capital Expenditures)
  • et les Opex (Charges d’exploitation ou Operating Expenditures),

Schématiquement, « alignement » voulant dire proportion d’activités éligibles à la taxonomie dans ces trois indicateurs.

 

Le reporting extra-financier, système de pilotage interne

La dernière composante du reporting extra-financier, et pas la moindre, est sa dimension interne à l’entreprise.

Il n’est pas seulement un livrable pour la communication externe et la réponse aux contraintes réglementaires. Il constitue surtout un outil précieux d’analyse des enjeux RSE, permettant l’élaboration des stratégies, la fixation des objectifs et la mesure des réalisations. De très nombreux indicateurs dans ce cadre restent confidentiels et n’ont pas vocation à être publiés.

Il est aussi un levier d’action directe pour accélérer la transition. Inclure par exemple certains indicateurs de reporting extra-financier dans la rémunération des dirigeants et des managers fait rapidement bouger les choses !

Systèmes d’information 

Dans ce cadre, le reporting extra-financier est vu comme un système d’information (SI) de type « Big Data » produisant une base de données d’indicateurs RSE propres à l’entreprise. L’enjeu est la production d’indicateurs fiables et homogènes.

L’ensemble des acteurs de l’entreprise impliquées dans les politiques RSE puisent dans ce reporting extra-financier les informations nécessaires à leur prise de décision. Ces systèmes sont naissants, mais certaines entreprises avancent vite, surtout lorsqu’elles ont affiché des objectifs ambitieux.

Consolidation au niveau groupe

Les consolidations financières ont très souvent débuté sur tableur, comme c’est le cas aujourd’hui pour le reporting extra-financier. Depuis, en matière de consolidation comptable et de gestion, beaucoup de progrès technologiques ont été accomplis, beaucoup d’argent a été investi et beaucoup d’expérience a été acquise dans les groupes. Pour produire rapidement une information fiable au niveau groupe, le reporting extra financier trouve un intérêt à s’appuyer sur l’expérience acquise dans les services de consolidation financière, en réalisant au préalable un diagnostic des forces et faiblesses des systèmes existants et de leur adaptabilité aux spécificités du reporting RSE.

Data Centric

Dans une vision « RSE 3 .0 », la base de données des indicateurs extra-financiers peut être complétée d’indicateurs financiers qui leur sont corrélés, et être rapprochée de sources externes. Une couche d’intelligence artificielle (IA) permet de produire des modèles prédictifs. Le directeur RSE, comme le DAF ou le contrôleur de gestion, deviennent « Data centric » et « Business partners » des acteurs de la transformation RSE.

Un peu futuriste, on en convient, mais incontournable à terme …

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