Les enjeux climatiques s’invitent dans la valeur des marques au bilan de Stellantis

Stellantis Episode III . Les thématiques environnementales sont stratégiques pour Stellantis. Acteur majeur d’une industrie engagée dans l’électrification, le groupe affiche dans son rapport extra financier CSR 2021 (“Corporate Social Responsibility”) des objectifs clairs et ambitieux de «décarbonation» :

  • Un an après le regroupement FCA et PSA, soit en 2022, le groupe entend mener une révision de toutes ses trajectoires d’émission de GES (Gas à effet de serre)
  • Objectif intermédiaire : réduction de 50% des GES pour 2030 (base de référence 2021)
  • Objectif final : Net zero carbone en 2038, compensations incluses

Le challenge de Stellantis en matière RSE / CSR ?

Le niveau d’émission de C02 (GES) de ses véhicules est l’enjeu N°1 pour Stellantis. Il figure au sommet de sa matrice de matérialité (source rapport CSR p.25). Les indicateurs clés à suivre seront le pourcentage des gammes avec une offre de véhicules LEV (“low emission vehicles”) et le pourcentage des LEV dans le mix des ventes. Les trajectoires sont fixés pour les US d’une part, et l’UE d’autre part, avec des jalons en 2025, 2030 et 2038.

Un lien est effectué entre cet enjeu N°1 et les 14 marques majeures du groupe, sujet qui nous ramène à l’acquisition inversée. Un communiqué de presse du 8 juillet 2001 précise la stratégie d’électrification des marques. Le communiqué explique l’impact sur les marges (operating margin).

Fait intéressant, une approche individuelle par marque est préconisée, je cite le communiqué :

« Electrification is not a “one size fits all” plan at Stellantis. Each of the Company’s 14 iconic brands is committed to offering best-in-class fully electrified solutions and doing so in a way that enhances the DNA of each brand »

Ainsi, en ce qui concerne les 9 marques issues de l’acquisition inversée de PSA sur FCA, la “base-line” verte est désormais bien calée : 

  1. Abarth : “Heating Up People, But Not the Planet”
  2. Alfa Romeo : “From 2024, Alfa Romeo Becomes Alfa e-Romeo”
  3. Chrysler : “Clean Technology for a New Generation of Families”
  4. Dodge : “Tear Up the Streets… Not the Planet”
  5. Fiat : “It’s Only Green When It’s Green for All”
  6. Jeep : “Zero Emission Freedom”
  7. Lancia : “The Most Elegant Way to Protect the Planet”
  8. Maserati : “The Best in Performance Luxury, Electrified”
  9. Ram : “Built to Serve a Sustainable Planet”

Menaces à venir sur les marques … et le goodwill FCA ?

Pour revenir à notre acquisition inversée, l’enjeu de préserver la valeur de ces actifs incorporels non amortissables au bilan de Stellantis est loin d’être mineur.

Rappelons que les marques de l’ex-FCA ont été évaluées et comptabilisées pour 12,8 milliards d’euros dans le bilan de Stellantis (1). Si l’on ajoute le goodwill de  11,5 milliards d’euros, ces deux postes cumulés représentent désormais près de 20 % du pied de bilan de Stellantis, et plus de 50% des capitaux propres du nouvel ensemble.

Dans ce contexte, les conditions du marché automobile en pleine mutation – nouvelles réglementations, nouvelles aspirations écologiques des consommateurs, irruption de nouveaux acteurs, investissement obligatoire dans de nouvelles technologies – pourraient-elles fragiliser la valeur des marques et du goodwill de l’ex-FCA ? Notamment s’il s’avère que les trajectoires définies et annoncées au marché ne sont pas tenues ? Ce sont des questions intéressantes, qui relient performance financière et extra-financière.

Nous ne sommes pas ici pour porter des jugements ou faire des pronostics ; on remarquera simplement que l’acquisition inversée a eu pour effet d’exposer Stellantis, pour une grande partie de ses marques comptabilisées au bilan, à un marché nord-américain peu exemplaire en matière d’émission de GES (climato-scepticisme de beaucoup d’acteurs économiques et politiques), disrupté à grande vitesse par des acteurs comme Tesla, peut-être Amazon ou Sony dans un avenir proche…

Poétiquement, on peut indubitablement constater que la façade ouest du bilan de Stellantis est désormais plus exposée aux vents des aléas américains … Mais c’est évidemment aussi une très belle opportunité.

Recommandation de l’AMF en terme de “connectivité”

On rappellera aussi la recommandation de l’AMF 2021 (même si Stellantis est coté à Amsterdam) visant à assurer une bonne «connectivité» entre information financière et extra financière à adresser au marché, et spécifiquement en matière climatique.

Je cite (recommandation AMF sur l’Arrêté des comptes 2021 §2.1 p. 12) :

« Il s’agit d’évaluer quels sont ou seront les effets des changements climatiques sur la performance financière de l’entreprise au regard de son activité notamment, mais aussi de son exposition géographique, de ses contraintes réglementaires et de l’adaptabilité de son modèle d’affaires.

L’AMF recommande aux sociétés de s’organiser en interne afin de s’assurer de la cohérence et du lien entre les informations données dans les états financiers, dans les autres supports de communication (parmi lesquelles notamment le rapport de gestion dont la Déclaration de performance extra-financière (DPEF) et les facteurs de risques) et, le cas échéant, dans les points clés de l’audit mentionnés dans le rapport des commissaires aux comptes ».

Réponse de Stellantis

Stellantis apporte certains éléments de réponse. Ainsi le groupe explique la « connectivité » entre enjeux climatiques et comptes dans son chapitre sur les principes comptables (rapport financier / 20F). Il explique notamment comment l’entreprise prend en compte les risques liés à l’électrification et aux évolutions indispensables des technologies, dans ses modèles d’évaluation des valeurs recouvrables des actifs corporels amortissables et des frais de développement capitalisés amortissables (« Recoverability of non-current assets with definite useful lives »).

Par extension, le même modèle s’applique aux marques et au goodwill, même s’il s’agit d’actifs non amortissables (« with undefinite useful lives »), puisque incorporées dans les unités génératrices de trésorerie (CGU’s).

Je cite P. 245 :

“Recoverability of non-current assets with definite useful lives

(…) The Company has announced significant investments in electrification and software which are reflected in the MTP (Medium Term Plan).

 However, its business plans could change in response to these evolving requirements and technological changes or in relation to any future business plans or strategies developed as part of partnerships and collaborations. As the Company continues to assess the potential impacts of these evolving requirements, technological changes or future plans and strategies, and of operationalizing and implementing the strategic targets set out in the MTP, including reallocation of our resources, the recoverability of certain of the Company’s assets or CGUs may be impacted in future periods ».

Ainsi apparaît le lien indispensable à faire entre la valeurs recouvrable des actifs industriels et des frais de développement capitalisés (6,3 milliards d’euros) de l’ex FCA, des marques et du goodwill (24,3 milliards) d’une part, et les aléas du plan d’électrification et d’investissement dans les technologies vertes d’autre part.

Nous chercherons à préciser dans un prochain article comment cette connectivité peut être prise en compte dans les tests de dépréciations selon la norme IAS 36 “Dépréciation des actifs”.

A suivre …

 

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(1) Lire nos précédents billets :

Episode I : Acquisition inversée lors du regroupement PSA/ FCA : le cas d’école Stellantis en 2021

Episode II : Comment l’acquisition inversée Stellantis oblige à comptabiliser les marques de l’ex groupe Fiat Chrysler 

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