Suez chez Veolia : où s’affiche la baisse de juste valeur des titres à la clôture 2020 (-376 millions d’euros) ?

Le cas Suez chez Veolia fournit un bel exemple de présentation du “Résultat Global”, état financier peu utilisé et mal connu du référentiel IFRS (OCI – “Other Comprehensive Income” selon la norme IAS 1), au croisement du résultat et des capitaux propres. Le résultat global affiche des montants particulièrement significatifs (voir DEU Veolia 2020, page 331)

Nature de l’état du Résultat Global (OCI – Other Comprehensive Income)

Le résultat Global de Veolia s’élève à -510,2 millions d’euros, alors que le résultat net « classique » s’élève à  208,5 millions d’euros. D’où vient l’écart négatif de plus de 700 millions d’euros ?

Réponse : il s’agit de pertes de valeur latentes. Elles ne sont pas reconnues en charges mais directement dans les capitaux propres.
Les deux composantes principales sont :

  • La dépréciation du cours boursier des titres Suez (-376 millions d’euros),
  • Des écarts de conversion sur entités en devises étrangères (-373 millions d’euros).

Et l’on retrouve ainsi la suite de notre précédent billet : « Cas d’école des titres Suez chez Veolia, clôture 2020 et prise de contrôle 2021 ».

Nous vous avions indiqué que Veolia avait comptabilisé le bloc de 29,9% des titres Suez en « Titres non consolidés » selon la norme IFRS 9, évalués en “Juste valeur” à la clôture au 31/12/2020, par contrepartie en capitaux propres (JVCP).

Du fait de la baisse du cours de Suez entre la date d’acquisition au 6/10/2020 et le 31/12/2020, une moins-value latente de -376 millions d’euros a ainsi été obligatoirement constatée dans le résultat Global. On la retrouve aussi logiquement en variation des « Réserves de juste valeur », dans l’état de Variation des capitaux propres de Veolia (DEU, p.334).

En ce qui concerne les écarts de conversion liés à la consolidation d’entités étrangères, aucun explication ne justifie « l’évaporation » des capitaux propres de -373 millions d’euros (sauf erreur de ma part). Le tableau des cours de change comparés entre 2020 et 2019 (DEU p. 338) laisse néanmoins comprendre que la baisse combinée du dollar américain, de la livre sterling et du renmibi chinois doit y avoir contribué.

Différenciation des OCI entre « éléments recyclables » et « non recyclables » en résultat

La norme IAS 1 oblige par ailleurs à différencier dans le résultat Global les éléments « recyclables ultérieurement en résultat » des éléments « non recyclables ultérieurement en résultat ». Cette différenciation dépend des sujets et des normes IFRS qui les traitent.

En ce qui concerne Veolia, la distinction est la suivante :

  • La dépréciation de -376 millions d’euros des titres Suez est un « élément du résultat global non reclassé ultérieurement en résultat net », selon l’option IFRS 9 de valorisation par juste valeur en capitaux propres (JVCP),
  • La variation négative des réserves de conversion est un « élément du résultat global reclassé ultérieurement en résultat net ».

Le traitement des titres non consolidés Suez en JVCP n’est pas neutre pour le futur :

  • Le cours de bourse de Suez ayant repris de la valeur à la date de l’accord d’acquisition au 12/04/2021, un profit latent sera comptabilisé en « autre élément du résultat global non recyclable » à cette date,
  • Les réserves de juste valeur liées à Suez au 12/04/2021 seront maintenues en capitaux propres, et non transférées en résultat net.

Qui s’intéresse et qui comprend le résultat global IFRS (selon IAS 1) ?

Avec un soupçon de provocation, je dirais : pas grand monde, voire personne ! Le résultat Global n’a pas, pour le moins, trouvé sa légitimité.

Et pourtant, lorsqu’on examine les comptes de Veolia, les montants d’OCI sont particulièrement significatifs. On passe d’un profit net de 208,5 millions d’euros à un résultat global de -510,2 millions d’euros ! Cela indique que près de plus de 700 millions se sont évaporés des capitaux propres (près de 10%), dégradant notamment le ratio de gearing de Veolia fortement endetté (dettes /CP).

Mais les pertes enregistrées dans le résultat global sont « latentes ». Et surtout, elles ne résultent pas directement de la direction des opérations. Dans le cas de Veolia, les facteurs sont exogènes, baisse du cours de Suez ou de certaines devises étrangères dans des pays dans lesquels Veolia est exposé à des investissements nets significatifs.

Quant à la différenciation entre éléments recyclables et non recyclables dans le résultat net, son impact se mesure plus tard, au dénouement des opérations ou à la déconsolidation des actifs et des passifs qui les ont engendrés. Bref, un sujet d’experts …

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